Le 12 juillet, la commission de l’agriculture du Parlement européen a approuvé en deuxième lecture un projet de nouvelle directive visant à limiter l’expérimentation animale. Décriées depuis de nombreuses années par les défenseurs des animaux, ces expériences dites « in vivo » sont encore largement utilisées dans la recherche biomédicale, les tests de toxicité des produits et l’éducation. Chaque année dans le monde, ce sont entre 50 et 100 millions de vertébrés qui sont utilisés. Pourtant, des méthodes alternatives peuvent la plupart du temps s’y substituer.
Indispensable ?
A l’heure actuelle, les animaux présents en laboratoire sont presque tous élevés dans ce but. Il arrive néanmoins que des refuges vendent leurs laissés-pour-compte pour la recherche ou les tests. Plus rarement, des spécimens sont aussi prélevés directement dans la nature. Les « procédures » qu’ils subissent une fois enfermés peuvent durer quelques heures, plusieurs mois et jusqu’à des années. Parfois, les animaux sont « réutilisés » pour d’autres tests. Quand l’animal ne meurt pas des effets directs de la procédure, il est euthanasié. Reste que de plus en plus de pays encadrent quand même ces pratiques, par exemple en rendant l’anesthésie obligatoire ou en exerçant des contrôles des conditions de vie des animaux.
Les partisans de l’expérimentation animale avancent qu’elle a permis de grandes avancées dans la médecine (vaccins, transplantations, pontage coronarien…). Selon eux, ces bénéfices pour la santé humaine dépassent le coût en souffrance animale. Pour ces adeptes du « in vivo », les animaux ne sont les égaux de l’homme et pratiquer de tels tests sur des humains ne serait pas éthique. Autre avantage à leurs yeux, par rapport au cobaye humain, ils peuvent maîtriser totalement l’environnement de leur sujet d’étude : alimentation, température, éclairage, etc…Dernier pion avancé sur l’échiquier du débat éthique : les animaux vivent parfois bien moins longtemps, ce qui permet de réaliser des expériences portant sur toute leur vie, voire sur plusieurs générations.
Spécisme et cruauté
Les associations de protection des animaux, de leur côté, avancent presque toutes les mêmes arguments contre la vivisection. Elles mettent en question sa moralité (avons-nous le droit de faire de telles expériences ?), sa nécessité (en avons-nous besoin ?) et sa validité (ces expériences nous sont-elles apprennent-elles vraiment quelque chose d’utile ?). Pour les anti-spécistes, les animaux, dès lors qu’ils peuvent ressentir de la douleur, ont des droits similaires aux nôtres. Sur le site de l’Animal Liberation Front (ALF), on retrouve souvent cette interrogation : feriez-vous à un humain ce que vous faites à ces animaux ? Par ailleurs, dans plusieurs cas, des médicaments ou produits testés sur les animaux se sont avérés dangereux pour l’homme. Enfin, la trivialité de certains tests est aussi mise en avant, notamment lorsqu’il s’agit de cosmétiques.
Toutefois, une différence dans le mode d’action peut-être observée entre les différentes associations. L’ALF, classé comme organisation terroriste dans plusieurs pays, promeut la libération avant tout, ainsi que la destruction de matériel médical et l’intimidation de scientifiques. L’objectif ici est avant tout l’immédiateté. Des conseils figurent même sur leur site Internet pour réussir votre opération de délivrance. Les autres associations, comme 30 millions d’amis ou People for the ethical treatment of animal (Peta), travaillent plutôt dans la légalité pour atteindre leurs objectifs en encourageant et en finançant le développement des solutions alternatives. Ce sont des actions plus modérées, opérant sur le long terme, et qui ne convainquent pas les plus pugnaces.
Développer les trois ‘R’
Il existe plusieurs fondations ou instituts consacrés à la recherche de solutions alternatives aux expériences sur les animaux. Ces organismes choisissent la voix du milieu entre les partisans et les plus farouches opposants : ils ne se déclarent pas contre l’expérimentation animale, mais pour de nouvelles techniques qui la remplacent. Dans ce domaine, le plus éminent acteur est le Center for Alternatives to Animal Testing (CAAT). Il existe depuis 1981 et agit dans les domaines de la science (recherche et financement), de la collaboration (organisation de conférences pluridisciplinaires) et de la communication (au travers du site Altweb). Son travail est fondé sur le principe des trois ‘R’ : remplacement, réduction et « raffinement » (refinement en V.O).
Remplacement : dans cette catégorie, on trouve les méthodes qui remplacent l’animal, soit de manière absolue (plus aucune utilisation d’animaux) soit de manière relative (utilisation de tissus ou cellules animales). Les techniques appelées « in vitro » figurent donc dans cette catégorie. Cependant, les cellules ou tissus étudiés proviennent d’animaux tués dans ce but, il s’agit donc d’un remplacement relatif. Parmi les méthodes de remplacement absolu, il y a l’épidémiologie, les autopsies, la modélisation informatique (dite « in silico »), la peau synthétique, l’observation académique, les modèles plastiques ou encore…la prévention !
Réduction : quand le remplacement n’est pas possible (ou du moins pas encore), les scientifiques se doivent de trouver des moyens de réduire le nombre d’animaux utilisés. Il s’agit en fait d’optimiser les résultats obtenus, par exemple au moyen de statistiques sophistiquées. On peut aussi envisager la partage de résultats afin d’éviter des tests inutiles, une option que la course aux brevets ne facilite pas.
«
Raffinement » : cette voie vise en quelque sorte à limiter les dégâts. Il s’agit d’améliorer la vie des animaux qui sont en laboratoire. On cherche ainsi à diminuer ou éliminer la douleur et le stress infligés. L’utilisation de techniques moins invasives (par exemple le remplacement des incisions par des ultrasons ou de l’IRM) fait partie de cette catégorie. On peut également utiliser des organismes dits inférieurs (plantes, microorganismes, invertébrés).
D’ici 2013, l’expérimentation animale pour des produits cosmétiques sera interdite en Europe. Mais avant même que cette directive ne rentre en application, certains tirent la sonnette d’alarme, craignant une délocalisation des laboratoires dans des pays moins regardants. Pourtant, l’expérimentation animale n’est pas seulement archaïque et cruelle pour les animaux, elle est aussi beaucoup plus chère à moyen terme. Si la souffrance animale n’émeut pas les dirigeants de laboratoires pharmaceutiques, cet argument devrait, lui, toucher leur corde sensible : le portefeuille.